
Projets et utopies
Vaste espace longtemps inoccupé aux abords de la capitale, la plaine de Grenelle fit l’objet de divers projets plus ou moins utopiques, dont les plus intéressants se situent au XVIIIe et au XIXe siècle.
La création d’un faubourg industriel
Le 4 janvier 1737, un certain Gouvion, ingénieur, adresse à Louis XV un mémoire proposant de regrouper dans la plaine de Grenelle et sur l’Ile des Cygnes* toutes les activités insalubres de la capitale : bouchers, tripiers, mégissiers, tanneurs, teinturiers…L’auteur énumère, en une cinquantaine de propositions, les conditions de réalisation de ce faubourg industriel, y compris les avantages financiers incitant les maîtres et marchands des différentes professions à transférer leur domicile dans le nouveau faubourg. Ce projet, fort coûteux en travaux de viabilité, fut rejeté, sans motif, trois mois plus tard.
Un hôpital général sur l’île des Cygnes*
En 1772, un incendie ravagea une grande partie de l’Hôtel-Dieu, dont l’état de vétusté et les conditions d’accueil des malades étaient indignes. Tout agrandissement au centre de Paris étant impossible, la construction d’un nouvel hôpital général hors de Paris fut envisagée. Le projet (ci-dessus) de l’architecte Bernard Poyet (1785), prévoyait d’utiliser l’ile des Cygnes* pour accueillir 5.000 malades. Son architecture « en marguerite », devait assurer l’isolement des malades selon leur affection et permettre la circulation de l’air et la diffusion de la lumière. Le projet fut rejeté en raison de sa taille, et l’on s’orientera, au XIXe s., vers la construction de plusieurs petits hôpitaux, selon une organisation pavillonnaire.
La plaine de Grenelle transformée en naumachie
Alors même que Jean Léonard Violet entreprenait la réalisation de son lotissement, un certain Naudy-Perronnet adressait à Charles X un projet de bassin destiné aux exercices de l’École polytechnique de la Marine (1825). Cette naumachie aurait submergé la plus grande partie de Vaugirard, d’Auteuil et de Passy. La contre-allée occidentale du Champ de Mars aurait servi de quai à la rade envisagée. Ce projet, primitivement destiné à Napoléon 1er, se serait inscrit dans la perspective du palais du roi de Rome (ci-dessus), prévu pour couronner la colline de Chaillot. Il visait également à rendre la Seine navigable en ligne droite jusqu’au Havre.
Un canal pour contourner le centre de Paris
Beaucoup plus sérieux est le mémoire que Joseph Cordier, polytechnicien, fit paraître entre 1827 et 1829, visant à faciliter la navigation par un canal, praticable en toute saison, évitant le centre de Paris. En provenance de la plaine d’Ivry, le canal se poursuivait en souterrain pour déboucher à l’air libre à la hauteur de la rue d’Alleray et aboutir au « dock de Vaugirard », bassin hexagonal entouré d’entrepôts communiquant avec la Seine. Finalement, le désengorgement de la Seine s’opéra par le nord, grâce aux canaux Saint-Denis et Saint-Martin.
*L’île des Cygnes sera rattachée à la rive gauche entre 1776 à 1812 et ne doit pas être confondue avec l’allée des Cygnes.