
Les grandes percées urbaines et l’Art nouveau
Sous le Second Empire, après l’annexion de 1860, le XVème arrondissement ne connut ni percées urbaines, ni immeubles haussmanniens, mais conserva un habitat modeste, souvent insalubre. Le percement de voies nouvelles, notamment à Grenelle, fut réalisé tardivement, sous la IIIème République, entre 1888 et 1912. Mais ce retard permit au quartier de développer un habitat collectif bourgeois et de bénéficier de l’éclosion de l’Art nouveau.
L’avenue Félix-Faure
Le percement de l’avenue Félix-Faure répondait à l’objectif de joindre en droite ligne la gare de Grenelle-Ceinture (place Balard) et la rue du Commerce, permettant notamment de relier directement le champ de manœuvres d’Issy à l’École Militaire et au quartier Dupleix, où la plupart des troupes à cheval étaient encasernées. Dans la partie historique de Grenelle, limitée au sud par la rue de Javel, on commença par élargir la rue Herr, courte rue située derrière l’église Saint-Jean-Baptiste-de-Grenelle (ci-dessous, angle de la rue de l’Église et du pourtour de l’Église, avant démolition). Dans son prolongement, une voie nouvelle fut percée en direction des fortifications (porte de Sèvres). L’avenue, intégrant la rue Herr, prit le nom de Félix Faure en 1900, quelques mois après le décès du Président de la République.
L’avenue Émile-Zola
L’avenue Émile-Zola fut ouverte en 1905 en vue de relier, dans le prolongement de la rue Frémicourt, les boulevards de l’enceinte des Fermiers généraux (place Cambronne) au pont Mirabeau. Cette percée en diagonale vint perturber le parcellaire et une partie du lotissement de Grenelle, en établissant des parcelles en équerre, qui nous ont valu d’étonnantes façades en biseau (n° 91 et 154). Deux établissements religieux furent écornés lors du percement, au passage de la rue Violet : l’œuvre des Dames du Calvaire (actuellement, maison de soins palliatifs Jeanne Garnier) et la maison provinciale des sœurs de Saint-Paul-de-Chartres (n° 46 rue Violet avant démolition, colonne de gauche, en bas).
Près de la Seine, ce sont des habitations plus modestes qui furent démolies (comme au 24 rue de Javel, ci-dessus).
L’apothéose de l’Art nouveau
Ces grandes percées intervinrent à un moment particulier de l’évolution de l’architecture parisienne, très favorable aux entrepreneurs, architectes, ornemanistes, sculpteurs, décorateurs… qui purent y démontrer tous leurs talents.
Un règlement de voirie de 1902 autorisa la construction d’immeubles plus élevés, en fonction de la largeur de la voie, et introduisit la possibilité de saillies (oriels) en surplomb de la rue. Tout en imposant des contraintes de gabarit et d’alignement, ce règlement laissait aux constructeurs une grande liberté de création, permettant aux architectes de manifester leur fantaisie sur les façades et au niveau des toitures, qui s’ornèrent de dômes, coupoles, tourelles, loggias... (ci-dessus, en haut : 24 place Étienne-Pernet ; en bas : 136 av. Émile-Zola).